(Ce n’est pas que je ne crois pas aux sauvetages.
C’est que
j’ai les mains qui glissent sur la roche humide et une
sombre peur de ne plus voir le soleil.)
Plonger dans l’océan pour se court-circuiter le
cerveau, déglinguer la machine et s’électrocuter sur ses neurones.
Des vagues cassant le dos des pêcheurs pour ensuite
les puiser entre leurs bras d’écume et les rendre muets à la nuit tombée,
épuisés.
Pour leur réciter des vers prophétiques,
avant de les étrangler dans leur filet, au milieu du
silence assourdissant des lamentations.
J’ai vu la lune se nourrir au sel des larmes qui font
déborder les cours d’eau, alors que tu construisais des lances forgées dans le
fer rouge hémoglobine,
récolté là où nos sangs parlent de varech.
Le ciel qui
dégouline sur les doigts minces, artisans de leur
peine et de leur misère, comme l’encre qui réside sur tes jointures
ruisselle sur la peau tendue, laissant sa trace comme une
ecchymose, comme un vieux tableau de peinture à l’huile
inondant l’asphalte, oublié au garage,
entre un grille-pain abîmé et un orage d’été.
Tu te coules au fond de tes univers, accroché au vide
comme à une ancre.
L’amertume de la mer s’engouffrant dans ton épave, la
rouille se dissolvant dans ton estomac.
Le premier des sauvetages.
Le visage sous l’isthme, l’ombre comme une
rivière-fleuve.
Tu t’arraches à ta rédemption.
La rage avant le naufrage.
S’étrangler sur le sel de la mer.
La peau qui se fend et le rouge qui se déverse dans le bleu.
Rockya Chaouch