Pour la suite du monde


Tu viens vers moi dans l’octobre. Je ne reconnais pas tes chairs, mais elles sont souriantes. Tu frappes ; colles des ecchymoses à chacune de mes portes et déjà j’étends, un par un, mes possibles sur tes rives. Avant notre venue au monde, je tisse le doux de nos épuisements, j’emmêle l’insensé de ces rêves en murmures, ceux qu’il nous faudra taire ensemble, nos appels à demain.

Je déplie doucement (au creux de nos mains frêles, nos mains d’automne mourantes) ces matins mauves de dimanche, ces histoires de chats qui s’aiment. Je te raconte par vent froid, en gerçant nos lèvres, comment les femmes de mon ascendance se doivent d’être solides. Je me décuple, me fais troncs d’arbres fiers qu’on ne déracinera pas.
Noeud après noeud tu enchaines nos jours, le quotidien qui se fait kitsch parfois et la peur floue du risque. Je te bois en torrents, en immense, je m'étouffe mais tu ne me noies pas. Je n’ai pas peur du ressac et, dans nos eaux souterraines, nos sangs parlent de varech et de fonds clairs pendant que les jours d’hiver font fondre nos langues. La nuit, je m’effondre dans tes souvenirs : j’espère y pêcher un bout du ciel, un bout de bleu profond, un fragment d’idylle. Faire de nous un carnaval.