Faire de nous un carnaval


Les maîtres jongleurs, affiliés à la confrérie initiatique de bouffons de l’Infanterie Dijonnaise, possèdent la connaissance occulte des grands cycles humains et cosmiques. « Faire de nous un carnaval » est leur devise. Le défilé, qu’ils organisent chaque année, marque la période où la nature travaille en secret à faire sortir de terre ses jeunes pousses vertes. Mystificateurs du pays de Saba, Verlaine, Nouveau et Delahaye usent de la comédie magnétique. Leurs costumes d’hyènes démoniaques, très librement inspirés des cultures chinoises, khoïkhoïs et tziganes, ont été improvisés avec le goût du mauvais rêve. Leur Vision dure une minute, ou des mois entiers.

Maître Aliboron, l’âne emblématique de l’Infanterie, fait son entrée triomphale dans l’Akasha, sous les arceaux sacrés. Par sa seule présence, il transforme aussitôt le lieu et même les personnes. Nymphes et naïades sortent de leur bain. Le char de Bacchus et de Pan est traîné par un centaure et une centauresse; ils ont rendez-vous à la cathédrale avec Junon, Vénus, Diane et Latone pour y entendre la messe composée selon un rituel païen par l’alchimiste Pierre de Corbeil, archevêque de Sens.

Le curé de la paroisse, le front courbé sous le ridicule, n’a pas d’autre choix que d’accepter en silence cette parodie grotesque qu’il est bien entendu tout à fait incapable de comprendre.

Seule, la mère folle, patronne de cette confrérie, a la clef de cette parade sauvage.


David Nadeau